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11 mars 2015 3 11 /03 /mars /2015 11:17

 

21 Juin 2014

 

15 jours en autonomie totale à travers l'Islande

 

Je ne savais pas qu'il existait, encore aujourd'hui, un pays sauvage si proche de la France.

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La facilité avec laquelle nous nous sommes retrouvés débarqué de l'autocar, Loïc et moi, au milieu de nulle part, moins de 24h après notre départ de Paris, est ahurissante. Il suffit de revenir un clic en arrière pour comprendre l’enchaînement des événements.

 

Le premier clic de souris, a eu lieu des années auparavant, lorsque je préparais ma première « grande » randonnée : de Paris à Marseille à pied (l'objet inital de ce blog). Je lisais attentivement tous les conseils prodigués par d'autres randonneurs, sur un site dédié à la marche ultra légère, quand je suis tombé par hasard sur le récit d'un gars parti faire la traversée de l'Islande à pied. Je suis resté stupéfait devant la beauté des photos d'une part et hypnotisé par l'aventure que cela devait représenter. A ce moment là je me disais que ce genre d'expéditions était réservé à quelques « aventuriersaguerrisdelextreme » ! Bref, pas pour moi. Mais certains clics me font plus penser à un effet de cliquet, comme une roue crantée qui s'enclenche et qu'il est impossible de faire revenir en arrière.

 

Le deuxième clic s'est produit lorsque j'ai commencé à parler de ce projet à la volée et que Loïc, un ami grimpeur et alpiniste, a tout de suite mordu à l'hameçon. Après ma traversée des Alpes, je cherchais en effet un nouveau projet. C'est là que l'idée d'une virée en Islande est revenue. Avec l'expérience acquise au cours du Paris-Marseille et la traversée des Alpes du Léman à Menton (ma seconde grande randonnée), cette virée me semblait abordable même si la part d'aventure était nettement plus importante que dans tous mes projets précédents.

Maintenant que nous étions deux, le projet commençait à devenir concret. A force de discussions, pendant un an, nous avons délimité les frontières de ce qui nous semblait faisable, fait le tri entre nos fantasmes et la réalité, pesé ce qui nous apparaissait raisonnable et écarté ce que nous sentions instinctivement comme trop dangereux ou incertain...

 

Le troisième clic, le plus facile à faire, c'est lorsque j'ai acheté les billets d'avion sur internet. Partir en Islande est beaucoup plus simple que de vouloir aller d'une banlieue parisienne à une autre avec le RER. Pas de correspondance, aucune histoire de zone tarifaire. Simple comme bonjour, il n'y a aucune formalité administrative pour les ressortissants français. Armé d'un billet d'avion et d'une carte d'identité, vous vous retrouvez 4 heures plus tard en plein cœur de Reykjavík !!

 

Il est 1 heure du matin quand nous nous enfonçons dans nos sacs de couchage moelleux et agréables sous notre petite tente ultra compacte et légère.

Il fait jour, nous sommes au milieu d'un océan de tentes de toutes les couleurs et des grappes de jeunes déambulent à travers le camping rejouant le festival de Woodstock, des joints et des bières plein les mains. Nous avons à peine pu trouver 2 mètres carré pour planter notre abri, le festival du solstice d'été bat son plein à 100m du camping. Nous sommes le 22 juin 2014.

 

Les contrées sauvages semblent à la fois si proches et si lointaines...

 

En cherchant le sommeil, alors que Loïc dort déjà depuis longtemps, je me remémore toutes les étapes de la préparation de notre voyage.

 

Il y a un an, pile, lors d'un rassemblement d'alpinisme, je parlais à Loïc de mon envie d'aller randonner à travers l'Islande, pendant plusieurs semaines en autonomie. Parti de cet embryon, nous avons commencé à rêver la suite : traverser des glaciers, gravir des sommets, traverser des rivières à gué, se perdre dans des déserts de sable, affronter les moustiques, se baigner dans des sources chaudes … tout cela nous l'avons presque vécu.

Avec gourmandise, nous avons lu les récits d'autres randonneurs, parcouru les forums. Nous avons discuter avec passion de l'équipement, fallait-il emmener une corde et des crampons ? Nous avons étudier les solutions les plus adaptées pour franchir les rivières à gué.

Nous avons ébauché à grand trait l'itinéraire. Compte tenu du temps restreint dont nous disposions, nous avons écarté la traversée Nord-Sud classique qui s'effectue en 3 semaines, pour une trace originale. Nous avons emprunté le départ de cette traversée classique au Sud puis bifurqué en suivant un cap au nord-ouest. La fin de ce périple est resté flou... Nous avions évaluer à 4 jours de marche la partie de Skogar jusqu'au Landmanalaugar. Encore 4 jours pour rallier le Kerlinggarfjöll. Il nous restait 6 jours sur le papier pour rejoindre la capitale ! Durée qui nous semblait raisonnable quelque soit le point GPS ou nous nous trouverions à ce moment là.

 

Avec minutie, nous avons pesé chaque objet de notre paquetage pour réduire au maximum le poids, calculer les rations journalières de nourriture. Autant de sujets passionnants et sérieux dont seul un marcheur ultra léger peut comprendre l'importance. Nous sommes partis quelques jours au mois de mars dans les Vosges pour tester notre matériel, les rations ainsi que l'entente entre nous. Malgré une météo plutôt rude, rassurés sur tous les points, même si nous n'étions pas spécialement inquiets, nous avons continué la préparation.

 

Ce voyage, nous l'avons rêvé, imaginé, fantasmé, commencé dans nos têtes bien avant le 21 juin 2014...

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10 mars 2015 2 10 /03 /mars /2015 12:16

 

 

Le jour le plus long de l'année. Le jour du solstice !

C'est le jour du départ. Nous sommes à Paris, samedi 21 juin 2014.

 

La matinée se passe en faisant une vérification ultime du paquetage. Tout rentre dans le sac à dos. C'est une bonne nouvelle, je n'en avais absolument aucune certitude jusqu'à ce moment là. Cela paraît fou, mais je n'avais pas reconditionné toutes les rations alimentaires avant le jour du départ ! Pourtant, en volume, je dirais que la nourriture pour 15 jours représente pratiquement un tiers des bagages.

Je tourne en rond.

Je vérifie cent fois que tout y est. Au dernier moment je change d'avis et je n'emporte pas mes gants polaires. Je gagne ainsi quelques grammes.

Enfin, je pars. Je rejoins Loïc à la gare de l'est. Dans le métro parisien, les sacs ne me semblent pas si lourds, j'ai du mal à croire que je porte sur moi 15 jours d'autonomie. Nous avons tous les deux opté pour un sac sur le dos et un sac ventral pour répartir les 16 kilos. Au bout de 30 minutes, je suis content de poser mes sacs dans le bus qui nous amène à l'aéroport...

 

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Nous sommes excités, les quelques heures d'attente dans le hall des départs passent vite. En voyant la queue à l'enregistrement des bagages, Loïc a peur que nous retrouvions tout ce monde sur les sentiers. Je lui fait observé qu'aucune des personnes n'est vraiment équipée pour la randonnée mais plus pour du tourisme confort.

Le vol de 3h30 passe tellement vite que je n'ai pas le temps de finir le magazine de la compagnie. Le fait qu'il soit en anglais y est certainement pour quelque chose. J'y apprends entre autre que nous allons arriver en plein dans l'un des plus gros festivals de musique d'Europe, le festival du Solstice, et qu'il se déroule à deux pas de notre camping... 3 jours de musique 24 heures sur 24 !!

A notre arrivée nous enchaînons récupération des bagages, douanes, change, billet pour la navette en moins de 30 minutes. Tout est extrêmement bien organisé.DSCN2061

 

Puis nous découvrons pour la première fois le paysage islandais à travers les vitres du car. Pendant une heure, un paysage volcanique assez plat défile sous nos yeux. Des rochers sombres posés sur du sable sombre. A travers la lumière blafarde, qu'on ne trouve qu'en été à ces hautes latitudes après minuit, la nature lugubre tachetée de mousse et lichen épars alterne avec une croûte de roche dure et aride correspondant à l'idée qu'on puisse se faire d'une lave tourmentée qui aurait refroidie lentement... ambiance.

Austérité et âpreté sont les deux mots qui me viennent à l'esprit.

 

 

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Il fait toujours jour, il est 1 heure du matin. L'esprit commence à avoir du mal à intégrer cette donnée. Ici, en été, le soleil ne se couche pas la nuit.

Fatigués par le voyage, par le jour le plus long, nous nous couchons au son des basses hypnotiques. Ici, les gens ne dorment pas l'été.

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9 mars 2015 1 09 /03 /mars /2015 10:07

Après quelques heures de repos à peine, nous plions le campement pour toper la navette qui part à 7h du camping pour nous amener à la gare routière. L'ambiance est grise et humide. Je ne me sens pas bien. Je manque clairement de sommeil. J'ai froid. La tension nerveuse liée à cette aventure ne doit rien arranger. Nous attendons le bus qui doit nous amener à Skogar, sur la côte sud, à 152 km à l'est de Reykjavík.

 

DSCN2064Nous sommes quatre à attendre le bus. C'est la même lumière blafarde qui baigne les immeubles gris de la capitale que celle de la veille à 1h du matin. Nous sommes dimanche, il est 8h et il n'y a pas un chat dans les rues. Le bus arrive enfin avec 30 minutes de retard.

Nous quittons la ville et nous retrouvons le paysage monotone de la veille. Pas un bruit dans le bus, pas une voiture sur le long serpent de bitume qui sillonne le vaste paysage dont les couleurs sont resserrées entre le noir et le gris en passant par le marron. J'ai la nausée, le petit déj ne passe pas. Je me concentre sur la route.

Lorsque nous nous arrêtons à une station service d'un petit village perdu au milieu de nulle part (en fait quelques maisons et une pompe à essence), je descends acheter une cartouche de gaz, élément vital pour notre traversée. C'est la dernière chose qui nous manque, …enfin j'espère, car une fois que le bus nous aura largué, il n'y aura aucun moyen de se ravitailler. Loïc s'était bien renseigné pour être sûr d'en trouver dans cette station qui me fait penser à ces hameaux perdus dans la pampa argentine le long d'une piste qui vient d'on ne sait où et qui continue vers le néant.

Les odeurs de gazole ne m'aident pas beaucoup à me sentir mieux.

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Le bus s'arrête ensuite 15 minutes au pied d'une cascade. Des dizaines de touristes, sortis de nulel part suivent le sentier aménagé qui passe sous la chute d'eau. Le parking est plein de 4x4 comme jamais je n'en avais encore vu ! Des monstres ! Vu leur taille, les pistes doivent être défoncées ! C'est ce genre de détails que l'inconscient capte et traduit de manière subtile « cela doit être un pays très rude et sauvage ». Quelques infimes gouttes d'acide viennent entamer ma motivation.

Le réseau de bus en Islande est très bien fait. Ils desservent à peu près tous les endroits où il y a de la vie, c'est à dire assez peu en fait par rapport à l'ensemble de l'île et ils s'arrêtent à chaque attraction pour permettre aux touristes d'aller admirer la cascade, le geyser, le lac....

Le vent vif et l'air frais me font du bien. Nous passons sous la cascade, comme tout le monde. Nous sommes trempés !

Enfin, Skogar ! Quatre maisons au pied d'une autre cascade après 3h30 de route, et fait incroyable, le soleil est là, franc, comme un signe, une bonne augure. Nous refaisons nos sacs de manière à bien équilibrer le poids, puis enfin, le vrai départ ! Une petite photo pour immortaliser l'instant et c'est le saut vers l'inconnu qui commence par un escalier métallique qui permet de se retrouver au dessus de la cascade avec un point de vue pas dégueulasse sur la mer.

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Les touristes, après un quart d'heure de marche depuis le parking se font beaucoup plus rares. Le sentier suit la rivière et la remonte de cascades en cascades. C'est magnifique mais pas si différent des paysages de nos montagnes. Plus nous nous élevons, plus la végétation se fait discrète. Quelques mousses, quelques lichens. On pénètre dans le royaume de la pierre volcanique. La mer au loin, les glaciers au dessus, l'air pur et le silence qui s'installe. C'EST ENORME !!!

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Vers 900m la neige fait son apparition. Peu à peu, elle s'étend. Au col, vers 1200m, nous traversons de vastes champs de neige, bientôt nous passons au pied du Eyjafjallajökul, le volcan qui en 2010, avait paralysé tout le trafic aérien européen. Les coulées de lave sont bien visibles. Puis nous basculons sur l'autre versant et découvrons l'intérieur de l'île. C'est magique ! Un plateau volcanique creusé de cicatrices profondes au fond desquelles coulent de puissants torrents. La moindre dépression est occupée par des plaques de neige, le plus petit repli de terrain permet à une végétation fragile de résister au climat qu'on imagine terrible, à l'érosion intense. Tout semble étrangement condensé, comme un paysage en miniature. A l'horizon, les montagnes que nous franchirons dans deux jours. Très loin, en bas, une large vallée alluvionnaire. C'est notre objectif pour le bivouac. Je traîne les pieds, je marche de manière mécanique depuis un moment déjà. Les sacs me tirent sur les épaules. La petite nuit se fait sentir.DSCN2090

Dans la descente, nous croisons soudainement, dans un passage particulièrement étroit, une centaine de touristes, emmenés pas un guide. Nous nous garons sur le côté comme nous pouvons pour les laisser passer. Le groupe est étiré. L'attente est longue avant que le dernier ne soit passé. Nous reprenons notre progression, alternant sentier étroit à flan de montagne, passages en crête où il vaut mieux poser les mains pour assurer son équilibre et pentes raides pour redescendre tout ce que nous avons monté jusqu'au col.

Enfin, vers 20h, nous arrivons au bout de cette étape. La fatigue me fait trembler de froid malgré le soleil. Loïc semble à peine entamé et va se laver dans la rivière glacée ! Je reste immobile, étendu sur le dos, à récupérer un peu de chaleur du soleil qui ne bouge pas. DSCN2093

Nous tâtonnons un peu pour dresser le campement. Les affaires n'ont pas encore tout à fait trouvé leur place. Après le dîner qui est vite avalé, je me pelotonne dans mon duvet bien chaud. Il fait encore grand jour.

Je sombre, sans que la lumière me dérange.

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8 mars 2015 7 08 /03 /mars /2015 11:17

 

Je me réveille la tête lourde, la gorge sèche, il fait très chaud. La lumière inonde l'intérieur de la tente. J'ai l'impression de l'avoir planté quelque part dans le sud de la France, en plein soleil et que la matinée est déjà bien avancée.

Pourtant, il est 4h du matin à ma montre ! C'est vraiment étonnant de constater à quel point la lumière influence nos perceptions.

Je tente de me rendormir en pensant à tous les choix d'équipement que nous avons fait. Pour le moment la chaleur que me procure mon sac de couchage me rassure douillettement. J'avais hésité à le faire regarnir avec 200g de duvet d'oie, voire à acheter un sac synthétique. Outre la dépense supplémentaire que cela aurait occasionnée, le duvet a le gros avantage d'avoir un rapport poids/chaleur imbattable. Pour ce qui concerne le regarnissage du duvet, même si les températures en Islande à cette époque, ne descendent guère au dessous du zéro, celui-ci perd son pouvoir d'isolation thermique si il est humide. Et l'Islande n'est pas un pays réputé pour son climat méditerranéen... Nous avons pris soin de les emballer dans un double sac plastique. Même si nous devons affronter le déluge, nos duvets doivent impérativement rester au sec sinon ils ne nous protégerons plus contre le froid. Si les conditions météorologiques devaient se dégrader, l'une des clés sinon de réussite, du moins de plaisir de notre petite ballade réside dans la bonne récupération de la fatigue pendant la nuit.

 

En attendant nous apprécions le petit déjeuner au soleil assis à une table de pique nique (et oui, il y a des tables à proximité du bivouac). Le café fume dans nos gobelets en plastique de couleur rouge et orange vif. Pour un peu, on se croirait dans un Center Parc. Comme deux aventuriers de pacotille, lunettes de soleil sur la tête, look baroudeur, l'opinel planté dans la table, nous discutons d'une question très sérieuse, penchés sur les cartes topographiques. DSCN2095

Nous allons affronter aujourd'hui notre première traversée de rivière à gué. Attention, nous ne parlons pas de sauter par dessus un petit ruisseau débonnaire qui descend de la montagne d'Heidi. Il s'agit de traverser des rivières, issues du plus grand glacier d'Europe, larges parfois de plus de 500 mètres, le courant est terrible, l'eau évidemment glacée et la profondeur peut aller jusqu'aux fesses, voire plus.

Cela fait un an que nous nous préparons à cette épreuve. Nous avons étudié les avantages et les inconvénients de toutes les manières de traverser. La plus courante dans les récits des touristes est de traverser avec des sandales en plastique. Du côté des avantages, nous avons le faible coût d'une telle paire de chaussures, l'efficacité et la robustesse. Du côté des inconvénients, nous pouvons parler du poids, de l'encombrement, du temps passé à poser les sacs à dos, déchausser, enfiler les sandales, traverser la rivière et faire les opérations dans le sens inverse de l'autre côté. Au bout du dixième gué de la journée, cela peut devenir lassant.

D'autres randonneurs ont opté pour des chaussons de plongée en néoprène, plus chauds, moins encombrants mais tout aussi long à mettre et à démettre.

Certains baroudeurs ont décidé de franchir les gués en slip et pieds nus sur les pierres volcaniques aux arêtes effilées. Cette option a été assez vite écartée compte tenu de nos pieds sensibles.

En tant qu'aventuriers aguerris, nous avons choisi de bricoler des sur-bottes étanches. Chacun de nous deux, a élaboré de manière secrète dans son laboratoire, aidé en cela par internet, des prototypes révolutionnaires dont nous nous sommes empressés de déposer le brevet.

Nous sommes impatients de tester enfin nos sur-bottes. Oui, je dis bien tester, car sûr de nous, nous n'avons pas jugé utile de faire des tests en France...

Pour ma part, j'ai acheté du tissu imperméable que ma mère a cousu (encore merci) selon mes indications. J'ai étanchéifié les coutures avec du silicone, renforcé le dessous des pieds avec une toile très solide. Très simple d'utilisation, il suffit de mettre la jambe dans la botte et de serrer le cordon au niveau du genou pour que cela tienne.

Loïc, quant à lui, en tant qu'ingénieur en aéronautique, a imaginé un modèle de haute technologie. De la bâche plastique de chantier hyper résistante, thermosoudée en forme de jambe. Basta !

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Nous quittons Center Parc pour retourner dans le wild, hyper confiant.

Nous longeons la rivière, presque un fleuve, en essayant de trouver un passage. C'est large. Et le courant semble fort. Nous avons lu qu'il fallait traverser à l'endroit où le lit est le plus large, c'est logiquement l'endroit le moins profond et où le courant est le plus faible, … enfin le moins fort. Il fait beau, nous sommes toujours très confiant. La rivière se divise en de nombreux bras. Au loin, nous apercevons une passerelle qui traverse mais en nous approchant un peu, nous constatons que l'accès à celle-ci a été emporté par le courant... Toujours confiant, nous tentons le coup, un peu en amont. Sur la rive opposée nous voyons un refuge ainsi qu'un 4x4. Même si nous ne comprenons pas comment la voiture a pu passer, nous nous engageons. Le premier bras est derrière nous. C'est passé, mais c'est très chaud. Nous sommes sur un affleurement de cailloux, au milieu des eaux. Le deuxième bras est encore plus gros et cela nous semble trop risqué. Les sur-bottes de Loïc sont déjà légèrement trouées en dessous, les miennes prennent un peu l'eau par les coutures.

 

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Nous revenons sur la berge pour chercher un autre passage. Un léger doute s'insinue. Nous croisons un homme sorti de nulle part (décidément cela devient une manie dans ce pays), qui nous indique une autre passerelle en amont, dans la direction d'où nous sommes partis ce matin !! 1 heure de marche pour rien. Revenus près de notre campement, nous trouvons la fameuse passerelle. Nous traversons enfin en nous demandant ce que les gués à venir allaient nous réserver...

 

Après le refuge de Porsmörk, nous traversons une lande fleurie, des collines boisées de petits bouleaux. C'est un endroit abrité des rigueurs de la mer par la barrière montagneuse que nous avons franchie la veille. L'ambiance est bucolique et nous arrivons rapidement au deuxième gué de la journée. Cela semble plus facile. Le lit est moins profond. Nous nous engageons, en cherchant le meilleur itinéraire, l'eau monte jusqu'aux genoux tout de même. Je m'équilibre avec mes bâtons de marche. Je sens le froid me saisir les jambes à travers le tissu étanche, je sens également que mes sur-bottes se remplissent d'eau à une vitesse anormale. Sur la rive opposée, nous constatons tous les deux, de multiples déchirures sur nos prototypes. Philosophes, nous concluons par un « nous verrons bien pour le suite ».

 

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Le paysage change vite et brutalement. Nous explorons maintenant un plateau caillouteux lacéré de langues de sable noir. Le temps passe, le soleil tape et le vent se lève un peu. Nous croisons de nombreux groupes de marcheurs. La plupart semblent fatigués, la tête baissée. Nous décidons de faire une courte pause déjeuner dans un vallon bien abrité du vent.

Puis nous reprenons notre progression au milieu des monts aux sommets enneigés. Au détour d'un col, nous avons une vue magnifique sur un immense cirque glaciaire. Après le franchissement d'un canyon, une courte mais intense ascension dans une pente sableuse nous donne accès au refuge. Il est 16h.

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Nous prenons la météo pour le lendemain auprès d'autres randonneurs mieux renseignés que nous. Cela se dégrade franchement. La pluie et le vent sont attendus dans la nuit. Après avoir fait le plein d'eau, nous décidons de poursuivre pour plusieurs raisons : l'agitation, le monde et la perspective de grignoter sur l'étape du lendemain qui s'annonce peu agréable. Nous savons que c'est un désert de sable noir de 12km qui nous attend.

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Nous nous arrêtons au milieu, a flan de colline, en essayant de s'abriter du vent qui commence à forcir. Nous enlevons quelques pierres enchâssées dans le sable, décaissons un peu le terrain pour dégager une surface à peu près plane afin de planter notre abri. L'installation du campement est en phase d'automatisation : montage de la tente, installation des tapis de sol et des duvets à l'abri à l'intérieur, point carte, préparation des rations alimentaires pour le lendemain, cuisine, vaisselle puis nous jouissons d'une petite cigarette en admirant le paysage.

Il est 21h, le soleil est toujours aussi haut, il reste immobile.

 

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7 mars 2015 6 07 /03 /mars /2015 08:23

 

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« Je m'en allais les poings dans mes poches crevées... », nous sommes loin de cette douce innocence rimbaldienne. Les poings glacés, enfoncés dans mes poches, les bras raides et serrés le long du corps, le tête courbée pour se protéger des rafales de pluie et de vent. Depuis plusieurs heures nous marchons les yeux rivés au sol, concentrés à mettre un pied devant l'autre, sans oser relever le visage de peur d'affronter cette ligne d'horizon rendue floue par la pluie, fuyante à l'infini.

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Le vent a violemment soufflé toute la nuit. La tente pliait et se couchait littéralement sur nous. Sous les bourrasques, la toile claquait. Je suis inquiet, jamais jusqu'à maintenant elle n'a subi pareil assaut des éléments. Elle tient, mais jusqu'à quand ? Par moments, nous soutenons les parois avec nos mains pour soulager la fragile structure, deux fins arceaux d'aluminium contre le vent islandais. A posteriori, je repense à la fable « le chêne et le roseau » de La Fontaine, mais je n'avais qu'une pensée à ce moment là, que deviendrions nous si notre abri venait à lâcher...

A 5h du matin, las de pas dormir, nous décidons de partir. Nous prenons le petit déjeuner dans la tente, faisons nos sacs et au dernier moment nous sortons dans l'enfer. Nous plions vite la tente et nous partons, sans un regard en arrière, sans un mot. Chacun de nous deux, enfermé dans sa bulle.

 

Je marche sans réfléchir. Je marche pour me réchauffer. Aucun abri, aucun obstacle au vent dans ce désert. Pas un arbre, pas même un rocher derrière lequel s'abriter. Il n'y a pas d'autre choix que de faire face. Nous marchons donc. Sans grand plaisir. Après un certain temps..., une rivière, grossie par les précipitations, nous barre la piste. Difficile de s'y résoudre, mais le chemin passe bien par là. Nos sur-bottes sont trouées, l'entrain à franchir les gués de la veille s'est envolé. L'eau entre dans mes chaussures. Je débranche mon cerveau et j'avance.

 

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Un refuge providentiel nous offre un toit pour nous réchauffer peu de temps après. Nous sommes penchés sur nos tasses de thé, captant la moindre parcelle de chaleur. Nous dégoulinons littéralement sur le sol. Difficile de se résoudre à poursuivre, pourtant il est encore tôt, et le pochain refuge n'est qu'à 3,5 km. Mais les conditions météo rendent cette courte distance étrangement grande. Après une demi heure, nous décidons qu'il est temps de poursuivre. De toute façon nous n'arriverons pas à nous sécher aujourd'hui de plus, il est absurde de vouloir se sécher, alors que, après une minute passée dehors, nous serons à nouveau trempés !

 

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Nous n'avons plus la lucidité pour envisager la meilleure façon de négocier les gués suivants. Nous les franchissons en mode bulldozer. Tout droit, sans enlever, ni chaussures, ni chaussettes, sans mettre non plus nos sur-bottes. De toute façon, nos chaussures et chaussettes sont gorgées d'eau. Nous avançons avec le secret espoir d'une amélioration rapide de la météo. Tous les récits que nous avons pu lire convergent. Le temps en Islande change plusieurs fois par jour. A défaut, nous pouvons imaginer un refuge chaleureux avec une pièce commune bien chauffée comme celle que nous venons de quitter. Les photos de cette partie de notre périple sont rares car même sortir l'appareil devient compliqué. Les doigts sont engourdis. L'eau ruisselle et s'infiltre partout. Heureusement que nous avons opté pour un appareil étanche.

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DSCN2146L'accueil au refuge d'Alftavatn est glacial ! Le ranger, habillé d'un ciré et bottes en caoutchouc nous annonce qu'il est complet, sans se donner la peine de sortir de sa cahute qui lui sert de bureau. Alors que nous sommes dehors, ruisselant, il ajoute, à la limite de la politesse suite à ma demande, qu'il y a bien une salle commune, mais que celle-ci est réservée aux occupants du refuge. Pour conclure cette aimable conversation, il nous indique d'un geste du bras une vague direction, zone dans laquelle nous sommes censés planter notre tente, et ferme la porte !

Avec Loïc, nous échangeons un regard de stupéfaction. Nous avons du mal à croire ce que nous venons de vivre. Nous partons nous réfugier sous le haut-vent du bloc vaisselle destiné aux campeurs pour réfléchir à la suite des événements.

Malgré le vent qui se déchaîne, nous tentons de planter notre abri car nous ne voyons pas quoi faire d'autre. Notre tentative est un échec. Il est impossible de la monter. Nous avons même pris un gros risque, celui de voir notre toile emportée par le vent. Nous retournons sous notre haut-vent, pas plus avancés et avec un arceau tordu mais heureusement pas cassé !

Notre situation n'est pas brillante. Faire demi tour pour espérer trouver de la place dans le refuge précédent nous semble psychologiquement trop dur. Tenter de rallier le refuge suivant qui se trouve beaucoup plus haut en altitude nous semble beaucoup trop périlleux compte tenu de la tempête et de notre fatigue. Le ranger a d'ailleurs été catégorique, c'est interdit. Trop "risky" ! Nous sommes coincés sous notre abri cuisine, au milieu de l'Islande, à espérer que le vent se couche. Mon moral descend dans mes chaussettes trempées et glacées...

 

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DSCN2153DSCN2154Loïc prend conscience de l'état dans lequel je me trouve et sort le grand jeu. Le sourire jusqu'aux oreilles où des gouttes d'eau ne cessent de perler, il me dit : « c'est quoi le problème ? Regarde, on est à l'abri du vent, tu vois ça fait un point positif ». Je suis obligé d'admettre ce premier point. Il enchaîne : « on est à l'abri de la pluie. Ça fait deux points positifs. On a à manger. 3ème point positif. On a également à boire, une surface pour étaler nos sacs de couchage, d'ailleurs ceux-ci sont secs, etc... » Il enchaîne ainsi une liste impressionnante de points positifs qu'à la fin nous éclatons de rire tellement nous sommes bien finalement !!! Merci Loïc. Je ne peux m'empêcher de sourire encore aujourd'hui quand je repense à ta tête lorsque nous avons cru que nous n'avions plus de briquet. Pris d'un élan positiviste, et pour améliorer encore si seulement c'était possible, notre confort, nous décidons de nous faire un thé. Et là, le drame. Notre briquet, l'autre objet qu'il est vital de garder au sec, a pris l'humidité et refuse de s'allumer. Notre briquet de secours est introuvable. Un silence morne s'installe sur notre abri cuisine, chacun rumine. Un peu plus tard dans l'après midi, à force de ne rien faire, je fouille mes poches, à la recherche d'un trésor caché (lire un emballage de barre de céréales fait passer le temps). Je tombe sur le briquet de secours que nous avions cherché partout. Et il marche !!! Nous sommes sauvés. Comme Tintin et le capitaine Haddock, nous dansons de joie sous notre haut-vent. DSCN2155

Le vent ne faiblit pas. Nous occupons notre journée à essayer de faire sécher la tente, nos chaussettes, etc... Nous appliquons la technique de l'éponge pour assécher un peu nos chaussures. Cette technique consistant à enfiler nos chaussures avec nos chaussettes glacées qui absorbent un peu l'eau imbibée, puis de tordre les chaussettes pour en faire sortir l'eau. Cette opération, répétée trois, quatre fois dans la journée, permet une nette amélioration. Le niveau de l'eau dans nos chaussures a baissé, c'est indéniable. Nous nous repassons en boucle l'accueil sidérant du ranger. Jamais en France nous n'avons reçu un tel accueil dans un refuge de montagne, ni même en Suisse... c'est dire ! Pour faire passer le temps, nous fractionnons notre ration alimentaire. Nous mangeons un quart de gâteau toutes les heures. Nous faisons la sieste pour récupérer un peu de chaleur, enfouis dans nos duvets. Un groupe de trois français tente de monter leur tente juste devant nous. Cette animation inattendue vient déranger notre emploi du temps déjà surchargé. Nous proposons notre aide, mais peut être à cause de notre aspect de clochard, ceux-ci refusent. Nous assistons donc au spectacle, sans nous priver de commentaires, et contre toute attente, après plus d'une demi heure d'efforts redoublés, de pierres disposées sur tout le pourtour de la tente pour arrimer la toile au sol, ils arrivent à leur fin. Ils s'engouffrent à l'intérieur. On ne les reverra plus avant le soir.

La lumière n'a pas changé, un gris uniforme recouvre le ciel, mais nos montres nous indiquent que c'est le soir. La tempête ne faiblit pas. Petit à petit, je me fais à l'idée de passer la nuit sous notre haut-vent.

Je m'endors en comptant les points positifs. La liste est interminable...

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6 mars 2015 5 06 /03 /mars /2015 09:40

Cela fait 20h que nous squattons le haut-vent, bloqués dans 1m², mais au sec. Dans la « nuit », vers 3h du matin à nos montres, mais en fait il fait jour gris, un couple d'italiens tente l'étape de montagne, à la faveur d'une accalmie. Nous restons blottis.

A 7h, le temps n'a pas vraiment changé (peut-être pleut-il un peu moins), mais nous sommes décidés à quitter enfin notre abri. Nous avons finalement bien dormi contrairement aux français. Toute la nuit ils ont eu peur que leur tente se brise ou s'arrache.

 

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DSCN2165Au menu aujourd'hui, nous devons franchir un petit massif montagneux. Nous allons monter vers 1000m mais nous savons d'après notre première étape, avec le passage d'un col à cette altitude, que cela correspond à de la haute montagne chez nous. Là encore, nous avons l'impression d'un paysage en miniature, en une journée, nous allons traverser un massif montagneux. Celui-ci est célèbre pour ses sources chaudes, ses fumerolles, ses couleurs incroyables : ocre intense, blanc gris des langues neigeuses, dégradés de vert intense, jaune lié aux dépôts soufrés et noir des roches basaltiques.

L’ascension est terrible ! Les bourrasques de vent de face ou de trois-quart nous déséquilibrent. Un couple de marcheurs nous a rejoint. Nous sommes quatre maintenant à affronter les éléments. A un endroit où la pente se fait brusquement moins raide, le vent s’engouffre et nous renversent comme des allumettes.

 

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DSCN2168Les sillons creusés par l'action des pluies torrentielles, du gel et du dégel révèlent une géométrie non euclidienne de toute beauté. Des plans courbes se coupent dans tous les sens donnant à ce chaos une certaine unité. La neige, comme une chape lisse et unie, vient pacifier ce champ de bataille tellurique.

 

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Le brouillard s'installe peu à peu et notre progression se poursuit bientôt dans un voile cotonneux. Cette purée de pois nous cache le spectacle magnifique que nous avions commencé à entrevoir. Nos yeux pleurent à cause du froid mordant et du grésil que le vent projette sur nos visages. Sur le plateau neigeux, seuls les poteaux en bois que nous apercevons de loin en loin nous indiquent la direction à suivre. C'est notre fil d'Ariane à travers un écran blanc.

Nous atteignons enfin le refuge qui marque la moitié de notre étape et accessoirement le début de la descente vers Landmanalaugar. Une étincelle de vie au milieu de l'enfer blanc. Une cocotte minute sous pression. Le refuge est plein à craquer, les gens s'entassent à l'intérieur. Il est impossible d'y entrer. Cela fait deux jours que les marcheurs affluent de toute part et restent bloqués là, à cause de la tempête !! Nous retrouvons les italiens qui étaient partis dans la nuit. Ils nous racontent l'enfer qu'ils ont vécu pour arriver jusque là. L'accalmie qui avait provoqué leur départ n'a pas tenu 30 minutes. Ils étaient en perdition lorsqu'ils sont arrivés au refuge au petit matin.

Nous faisons une courte pause dans le froid, à l'abri du vent dans un recoin. Le temps d'avaler quelques fruits secs et un peu d'eau, nous repartons.

C'est dur. Le plateau neigeux n'en finit pas. Soudain, le fil d'Ariane s'interrompt. Les balises ont disparu, soit enfouies sous la neige, soit emportées par le vent. La carte nous est d'aucun secours car il y a trop peu de repères visibles. Heureusement, le GPS nous sauve. Même si le poids de cet appareil plus les deux jeux de piles de rechange est important, nous avons toujours pensé qu'il était indispensable. La preuve en est faite.

 

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Enfin, lorsque nous entamons la descente, le ciel se dégage. Nous admirons le paysage fabuleux qui nous entoure. Les souffrances sont derrière nous et, malgré la fatigue, nous nous laissons aller à la contemplation.

 

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Nous croisons de plus en plus de monde. Signe qu'un parking n'est plus très loin. Quelques bâtiments, des voitures et des cars tous terrains sont plantés là. Dans ce décor magnifique, au pied des montagnes. Le choc du tourisme de masse est violent. Les gens pique niquent à deux mètres du sentier. Nous devons attendre sur le bord étroit du chemin que des dizaines de touristes puissent passer. J'éprouve le même sentiment ambiguë que lorsque j'étais arrivé au sommet du Brévent, lors de la traversée des Alpes à pied. Sommet desservi par un téléphérique depuis Chamonix et qui offre un panorama superbe sur toute la chaîne du Mont Blanc. DSCN2192

Le camping ressemble à un parking également : une grande aire caillouteuse. 15h : un peu de temps pour récupérer, lire, se laver... et dormir.

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5 mars 2015 4 05 /03 /mars /2015 10:22

Les deux derniers jours ont été rudes. Nous en avons conscience.

Notre préparation dans les Vosges au mois de mars n'a pas été inutile. Ce sont un peu les mêmes conditions de vacances estivales que nous rencontrons ici : pluie, vent, neige, brouillard. Je nous revois, sur les rives du lac Blanc enneigées. Nous venions de passer la journée précédente à dévaler et remonter les vallons boisés vers le col du Bonhomme. Il avait plu et venté. Les sous bois étaient détrempés, les pentes raides et glissantes. Au matin, à notre grande surprise, la neige avait tout recouvert. Le silence, comme une coupole invisible, recouvrait le lac. Pour s'amuser, mais aussi pour nous entraîner à lire le terrain, nous avions fait pas mal de hors piste dans la forêt. Je me souviens des pentes escarpées pour remonter du lac Blanc jusqu'au plateau de Gazon Faing où le vent et le grésil nous avaient cueillis pendant plusieurs heures...

J'ai un peu froid dans tout le corps. Sans doute la fatigue et le manque de calories.

La question de la nourriture est celle sur laquelle nous avons le plus réfléchi. C'est en effet un casse tête d'emmener quinze jours de nourriture avec un cahier des charges drastique : le moins de place possible, le plus léger, le plus énergétique tout en restant équilibré et varié !! Nous sommes partis sur un apport en énergie correspondant à un effort physique important, soit 3000 kcal par jour. Dans nos calculs, nous n'avons pas tenu compte des conditions météo. C'est sans doute une erreur. Passer une journée dehors par 5 degrés ou 25, cela ne représente pas du tout la même dépense énergétique.

Je savoure chaque miette de ma ration journalière de céréales. J'ai choisi un mélange avec des pépites de chocolat qui fondent, une à une, sur ma langue. 100g de céréales additionnés de 25g de lait en poudre m'apporte 620 kcal. Le thé, me réchauffe de l'intérieur et réhydrate mon corps.

Nous quittons ce camping sans nostalgie. Toute la « nuit », des gens sont passés près de notre tente pour aller sans doute se baigner dans les sources chaudes non loin de là. Ils parlaient à haute voix, sans avoir conscience de ceux qui dormaient. Un haut parleur crachait de la musique, quelque part. J'imagine très bien le récit des vacances de ces touristes quand ils seront de retour chez eux : « c'était génial ! On a loué un 4x4, on est allé dans un endroit paumé, si tu savais ! Le paysage était magnifique. Et on s'est baigné dans les sources chaudes à 3h du matin en buvant des bières et en écoutant de la musique au milieu des montagnes. C'était magique ! ». De leur point de vue, c'est certainement vrai. Le problème, c'est la coexistence des différents modes de tourisme.... parfois difficile.

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Après quelques centaines de mètres de dénivelés, nous dominons l'immense plaine du Landmanalaugar. Les véhicules apparaissent comme des petits points. Nous n'avons croisé personne. La vague de lave, par laquelle nous sommes arrivés au camping hier, nous apparaît dans son ensemble. Majestueuse, figée pour l'éternité. C'est très impressionnant. DSCN2197

 

 

 

Vers 700m d'altitude, nous nous retrouvons dans les nuages. La visibilité tombe d'un coup. Il faut rester vigilant. Nous devons continuer à suivre la crête, mais sans trop s'approcher du bord, jusqu'à croiser plus loin, un sentier qui s'oriente au nord. A chaque montée, j'ai l'impression d'avoir du plomb dans les semelles. J'ai également un point dans le dos, comme une contracture musculaire. Pour me soulager, Loïc prend la tente dans son sac.

 

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La pluie a cédé sa place à une bruine qui n'arrive pas vraiment à nous mouiller tant le vent reste présent.

Nous quittons peu à peu le relief torturé du Landmanalaugar pour entrer dans une zone de lacs entourés de collines moins élevées, aux contours plus doux. La pluie cesse complètement. Le vent se couche et nous retrouvons aussitôt le bonheur simple de marcher dans un paysage somptueux et sauvage.

Nous avons tiré les enseignements des traversées des gués des jours précédents et lorsqu'une rivière nous barre le chemin, nous prenons le temps de trouver le meilleur passage. En remontant le long du torrent, nous finissons par dénicher un endroit assez étroit pour pouvoir traverser à sec.

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A partir de ce moment là, nous quittons les sentiers. Nous partons, plein nord, à travers la nature. C'est assez enivrant. Se repérer grâce à la carte, à la boussole. Sans autre repère que la nature. Là un lac, là le profil d'une colline qui ressemble à celle sur la carte, au loin une grande zone plane traversée par une rivière...

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Vers 17h, nous commençons à chercher un emplacement pour la « nuit ». Pour la première fois depuis le premier bivouac, nous avons le temps de nous poser. Un petit carré de sable noir fera l'affaire. Ni la pluie, ni le vent, nous obligent à nous réfugier de manière précipitée dans la tente. C'est tellement appréciable.

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Nous écoutons le silence. Immense, absolu. Pas un cri d'oiseau, pas le moindre bruissement de feuillage, pas le moindre échos d'une activité humaine. Nous sommes au milieu de rien. Le silence est palpable. D'une sérénité totale.

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4 mars 2015 3 04 /03 /mars /2015 10:51

La nuit est calme. Je me réveille vers 1h30 du matin. Plein jour. Je me rendors. Parmi les objets inutiles, nous avons la lampe de poche.

La tente était sèche lorsque nous l'avons pliée ce matin. Je me suis un peu refait, avec l'étape plus facile de la veille, une bonne nuit de sommeil et une double ration de céréales (j'avais sous estimé les rations depuis le début du périple). Physiquement, nous nous sentons bien. Les sacs commencent à s'alléger avec 4 jours de nourriture en moins, soit 2,4 kg. Nos corps sont maintenant habitués à marcher plusieurs heures par jour. La météo va vers le mieux. Tous les feux sont au vert. Nous avançons le coeur léger.

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Nous nous enfonçons dans une zone de moins en moins fréquentée. Hier nous avons croisé 3 randonneurs en une journée ! Nous traversons des champs de lave pétrifiée, des déserts de sable noir, des cratères. Nous franchissons, ce qui de loin ressemble à des collines débonnaires, et qui de près, font quand même pas loin de 100m de haut.

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Nous faisons l'expérience des déserts. Nous appelons désert, une étendue de sable entre deux collines. A l'instar des collines, de loin, ces déserts ressemblent à des bacs à sable, petits, presque ridicules. Nous marchons parfois une heure pour franchir ces aires de jeu et nous expérimentons pour la première fois la marche au mental. Il n'y a plus de repères pour se voir avancer où alors ils sont tellement loin qu'ils ne bougent pas, ce qui est parfois pire. Il faut alors se concentrer sur soi, chanter ou discuter pour que magiquement, le désert se retrouve derrière nous. Cela me fait penser à une image que l'on retrouve souvent dans les contes. Pour arriver au but, traverser une forêt maléfique ou franchir l'antre d'un dragon, il ne faut surtout pas regarder en arrière, ou ne pas penser à quelque chose de précis, ou ne pas avoir peur...

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Pour la première fois, nous passons un gué pieds nus. En effet, après avoir longtemps cherché un passage étroit, nous nous rendons à l'évidence. Le lit est trop large et les berges trop plates. Nous optons pour un endroit où la rivière se divise en plusieurs bras. Le fond est sableux et plutôt doux au contact de nos pieds sensibles. Par contre, l'eau est vraiment très froide. Le premier bras d'eau saisit les pieds, le deuxième glace jusqu'aux jambes. Une petite halte sur un îlot pour que le sang irrigue à nouveau mes orteils et je franchis le dernier bras. Ça pique. Comme des centaines de petites aiguilles. Nous prenons le temps de faire sécher nos jambes sous un soleil timide.

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Nous arrivons à un refuge non gardé et... fermé. Un numéro de téléphone est affiché sur la porte. Nous supposons que la clé est cachée quelque part mais nous ne prenons pas la peine de chercher car les toilettes sont ouvertes !

 

 

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Après cette courte pause, nous taillons dans le vif. Plein nord, pour retrouver le seul point de passage sur la Thorsa. Rivière impétueuse, impossible à franchir à gué, à moins de remonter vers sa source sur plus de cent kilomètres ! 1H30 de marche dans le sable parsemé de cailloux volcaniques abrasifs. Là encore, les repères ne sont pas les mêmes. Bien que nous distinguons le pont depuis un moment. Celui-ci ne grossit pas. Nous inaugurons une expression qui restera célèbre pendant toute notre balade islandaise « Ah ouais ! Quand même ! », ce qui signifie que le chemin nous paraît beaucoup plus long que ce que nous pensions !

 

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De l'autre côté du pont, nous posons nos sacs pour une pause bien méritée. Au menu : 50g de saucisse sèche, 100g d'un mélange de noix de cajou, arachide, noix du brésil, macadamia, noix tout court, etc... 3 gaufrettes à la noisette et 1 biscuit spritt au chocolat en dessert. Le tout pour 200g !!! Autant dire que c'est vite avalé et que l'estomac ne comprend pas les premiers jours, que c'est la fin du repas et pas seulement la fin de l'apéro. Par contre, ce repas frugal, apporte tout de même 1200 kcal ! Un repas équilibré donc qui n'apporte que du sucre et du gras ! J'aime !

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L'après midi se métaphorise en une piste monotone que nous suivons le long d'une ligne électrique. La fatigue se fait sentir. Pas un seul marcheur aujourd'hui mais quelques voitures croisées sur le fameux pont.

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La piste se termine dans une rivière assez large et repars de l'autre côté. Fidèle à notre technique, nous remontons le cours d'eau et quittons cette affreuse piste que nous suivons depuis le déjeûner.

 

 

 

 

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Nous installons notre bivouac avant d'avoir trouver le passage. Notre carte indique qu'à quelques kilomètres en amont, trois affluents se rejoignent pour former la rivière que nous suivons.

Le soleil a chassé les nuages. Nous installons la tente sur un tapis de mousse à deux pas d'un ruisseau d'eau claire. L'endroit semble paradisiaque.

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3 mars 2015 2 03 /03 /mars /2015 12:01

C'est étrange comment un geste quotidien reste le même quelque soit l'environnement. Je bois un thé, assis dans ma cuisine à Paris, en écoutant les informations de 7h à la radio. Il fait encore nuit. Je bois un thé, assis en tailleur dans l'herbe. La chaleur du soleil vient caresser la peau. Le silence est immense. La tente sèche doucement. Le geste est le même, mais sa saveur est tellement différente.

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L'essence du bivouac est là. Transposer des gestes quotidiens comme sortir du lit, s'habiller, prendre le petit déjeuner, se mettre en route, transposer ces gestes dans un environnement exceptionnel.

Notre feuille de route aujourd'hui est simple : cap au Nord. Nous espérons atteindre le massif montagneux de Kerkingarfjöll dans deux jours.

Sur la carte, entre notre position actuelle et cet objectif, une vaste zone blanche traversée de fins filaments bleus. Peu de courbes de niveaux. Le terrain promet donc d'être plus ou moins plat. Que signifie tout ce blanc sur la carte ? Nous sommes très curieux. Une zone vide, sans route, sans maison, sans vie... les glaciers sont en général en bleu pâle, les forêts en vert foncé, les champs cultivés en vert plus clair... Qu'allons nous trouver ? De la lande ? De la terre ? De la roche volcanique dure ? Du sable ? J'aime les cartes et ce qu'elles racontent et là, le blanc de cette zone, nous renvoie un point d'interrogation.

 

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Je me souviens avoir suivi un cours de géographie pendant mes études supérieures où le professeur nous donnait une carte à étudier, à chaque fois différente. De l'examen fouillé, attentif et précis d'une carte topographique au 25 000ème, il arrivait à nous raconter une histoire. Celle du territoire. L'occupation des sols découlait de la géologie. La latitude et la longitude, nous renseignaient sur le climat. Le réseau hydrographique associé au relief, le réseau de transports nous indiquaient l'orientation économique. Le type d'habitat, la taille des villages, etc... complétaient le tableau dans le domaine sociologique. D'une simple carte, nous pouvions pratiquement écrire l'histoire de ce petit bout de pays, de ce territoire de quelques kilomètres carré. Les cartes sont des œuvres d'art d'une richesse infinie. Houellebecq en fait d'ailleurs une description magnifique dans son livre « La carte et le territoire ».

 

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En levant nos yeux du blanc de la carte, nous voyons de la lande tout autour de nous. Loin au sud, l'Ekklà, un volcan encore actif, domine toute la plaine de la Thorsa de sa masse imposante. Au nord, là où nous allons, le terrain s'élève en pente douce. Le regard butte sur un réseau de collines molles qui s’enchevêtrent.

Aujourd'hui, nous naviguons à vue. Nous savons que nous devons traverser un premier bras de rivière, celle que nous longeons depuis hier, puis suivre un deuxième bras jusqu'à la source. Ceci devrait nous amener à une ancienne piste, en espérant que celle-ci existe encore. De là nous aimerions atteindre un lac, qui d'après nos estimations, devrait se situer 13 kilomètres plus au nord, nord-est.

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Même si l'étape est longue, le terrain est facile. Nous faisons parfois des détours pour passer de petits vallons encaissés, au fond desquels coulent de paisibles rivières. Nous prenons plaisir à construire des pas japonais. Nous nous fixons un cap en prenant comme repère un sommet, visible de loin. Nous crapahutons, entre la mousse et les rochers tout en gagnant de l'altitude.

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DSCN2274Plus tard dans la journée, dans une large vallée, nous passons une bonne heure à batailler dans une zone humide et marécageuse. A chaque pas, nous nous enfonçons de 10 cm dans la mousse ou la boue. Cette partie nous pompe beaucoup d'énergie. Nous avons beau essayé de choisir la meilleure trajectoire, chaque pas est un piège. Un enfer, d'autant plus que nous ne savions pas combien de temps cela allait durer... L'ancienne piste marque la fin de ce bourbier. Nous posons nos sacs pour manger. Au milieu de la piste. Nous savons que nous ne serons pas déranger, mais c'est la pluie qui vient nous surprendre et nous oblige à remettre bien vite les sacs et repartir.

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13 km de piste, morne, monotone. Pourquoi s'inflige-t-on cela ? Nous avons l'impression de ne pas avancer dans cette vallée de sable noir. La fatigue se fait sentir. Loïc commence à avoir une douleur au genou. Nous marchons au mental. Chacun dans ses pensées. Le vent, omniprésent depuis notre départ, comme bande sonore de nos vies qui défilent. Loïc a déjà fait trois fois le tour de son cerveau sur les deux dernières heures. Je lui raconte ma technique pour oublier cette vallée qui n'en finit pas. Je compte mes pas. Arrivé à mille, je reprends à zéro...

 

 

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C'est long...

 

 

 

 

 

 

 

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          Très long....

 

 

 

 

La fatigue est là. Les pauses sont de plus en plus fréquentes. Toutes les deux heures ce matin, tous les quart d'heure maintenant. Nous nous arrêtons une minute tous les quart d'heure...

Nous guettons depuis un moment un endroit pour bivouaquer, mais il n'y a pas d'eau. Les rivières se perdent dans le sable. Les lits sont à secs. Nos réserves sont basses. Il nous faut absolument trouver un point d'eau.

Le lac se rapproche. Nous le sentons. A 18h, il est en vue ! Nous trouvons un amas de rochers derrière lesquels s'abriter du vent. Ces rochers servent également d'ancrage à une petite station météo. Nous faisons le plein d'eau et attendons patiemment que les pastilles qui traitent l'eau, agissent. Puis c'est la routine du bivouac : monter la tente, faire bouillir de l'eau pour la soupe de pâtes, préparer les rations pour le lendemain...

 

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Aujourd'hui, la splendeur aride des paysages nous a portée. Cette terre immense et aride, vide, seulement parcourue par le vent et la pluie nous a fait tenir. Il n'y a rien, ni personne. Nous sommes deux, au milieu d'une zone blanche sur une carte.

C'est indescriptible... Pourquoi s'inflige-t-on cela ? Pour ça.

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2 mars 2015 1 02 /03 /mars /2015 19:30

Il faut faire attention à l'endroit où l'on pose chaque objet. Le sable est partout et peut vite recouvrir un briquet par exemple. Hors chaque élément de notre équipement est indispensable. Une sardine de la tente oubliée, et notre abri pourrait se transformer en radeau de la méduse en cas de tempête.

Chacun fait son sac minutieusement. Chaque chose a sa place. Tout est emballé dans des sacs étanches.

Les 34 kilomètres de la veille ont laissé des traces. J'ai un peu mal au muscle releveur du pied droit et Loïc souffre légèrement du genou.

Le 1er passage à gué se trouve à 100m de notre bivouac. Rien de méchant. Un petit ruisseau. Loïc, avec ses chaussures d'alpinisme, passe sans trop se poser de questions. Avec mes chaussures basses, je suis obligé de jeter des pierres dans la rivière pour créer une sorte de pas japonais. Au milieu du gué, la pierre sur laquelle je pose le pied est instable et se dérobe sous mon poids... c'est le bain de pieds. J'avais mis plusieurs jours à sécher l'intérieur de mes chaussures suite au déluge dans le Landmanalaugar... il faut recommencer.

 

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Après ce départ en fanfare, nous reprenons notre progression monotone. Nous ne sommes pas totalement sortis de ce désert de pierres. Nous en avons déjà fait la majeure partie, mais il nous reste encore quelques heures de marche savoureuses.

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L'immense Klakkur s'élève au loin. Ce volcan marque l'entrée sud du massif du Kerlingarfjöll. Il domine de plus de 400m le plateau minéral sur lequel nous cheminons. Sombre, presque noir, un voile nuageux s'accroche au sommet. Cela pourrait être le décor du pays de Mordor, là où s'étendent les ombres dans « le Seigneur des anneaux » de Tolkien.

 

 

Une heure de marche plus tard, le Klakkur ne se laisse toujours pas approcher... « Ah ouais, quand même ! ».

 

 

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Pourtant, psychologiquement nous tenons le bon bout. Le paysage se transforme, les collines s'élèvent. La piste que nous suivons, en revanche, devient épouvantable. Presque pire que si nous faisions du hors piste. Chaque caillou est instable. Cela nous oblige à nous concentrer sur chaque pas. Puis c'est à nouveau un gué, je fais le grand écart entre deux pierres et manque de peu de m'étaler de tout mon long dans la rivière.

 

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Il y a de magnifiques ponts de neige à demi écroulés sur les rivières que nous traversons. Nous sommes à 800m d'altitude et la neige est de plus en plus présente.

Nous passons sur l'un d'eux, encore intact. Une arche de neige fragile au dessus de l'eau. Je sonde avec mon bâton chaque pas pour éviter de passer au travers.

 

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Nous arrivons à un nouveau refuge non gardé qui aurait pu nous abriter du vent si il n'avait pas été fermé par un cadenas à code. Un numéro est affiché sur la porte. Nous imaginons qu'en téléphonant et en donnant le code de sa carte bleue, on obtiendrait en retour le sésame. J'ai beau essayé toutes les combinaisons à quatre chiffres basées sur le numéro affiché sur la porte, le cadenas ne veut rien savoir. A travers les vitres sales, nous apercevons un banc et une table recouverte d'une toile cirée fatiguée. Quelques vieux journaux jaunis s'empilent sur un coin. Une bougie et un cendrier. La pièce attenante, sûrement le dortoir, est plongée dans le noir. Les volets sont également verrouillés.

Je trouve ce refuge lugubre. En fait, un simple préfabriqué, déposé là par un hélicoptère (nous ne voyons que cette possibilité). Je suis bien conscient que ce cube puisse sauver des vies en cas de tempête, mais cette habitation de tôles fait tâche. Cette baraque, fabriquée par l'homme, posée sur les contreforts du Klakkur, au milieu d'un monde minéral pur, est incongrue.

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Tout en savourant notre repas, nous tentons de nous protéger du vent qui s'infiltre partout. Je tiens la carte d'une main, je bloque l'autre extrémité entre mon coude et mon genou et de ma main libre, je mange mes cacahuètes. Il paraît évident qu'il nous faudra franchir le massif montagneux du Kerlingarfjöll en une seule étape. Ce massif est le frère jumeaux du Landmanalaugar mais en plus sauvage. Nous estimons à la louche que nous sommes à 7 heures de marche du refuge gardé qui se trouve de l'autre côté du massif. Par conséquent, nous devons dès à présent chercher un bivouac.

 

Le vent souffle toujours en continu mais la pluie a cessé. Nous musardons sur les pentes stériles et caillouteuses du Klakkur, à la recherche de la plus belle caillasse à ramener en souvenir. Sur cette surface lunaire, nous apercevons au loin des nuances vert fluo, signe annonciateur d'une zone humide, peut être même d'une rivière et donc potentiellement d'un bivouac. Bingo ! Après avoir tâtonné un peu, nous nous arrêtons sur une surface plane et sèche, un peu au dessus du lit de la rivière pour éviter d'éventuelles crues. Il est 15h, c'est la première fois que nous nous arrêtons si tôt.

Cela fait une semaine que nous sommes partis et deux jours que nous n'avons croisé personne. Le soleil fait son apparition ! Phénomène étrange. Il n'y a plus de pluie, ni de vent. Le silence règne. Il se passe quelque chose d'anormal, comme le calme avant la tempête.

 

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En attendant, nous ne boudons pas notre plaisir. Nous saisissons cette occasion pour aller nous laver... première douche depuis notre départ... la plus belle salle de bain du monde. Malheureusement, l'eau chaude est en option et la rivière cristalline descend directement du glacier !

Nous passons l'après midi à bricoler, étudier l'étape du lendemain sur la carte. Se reposer et lire au chaud, dans la tente. Le « clan des Otori » de Lian Hearn, saga chevaleresque qui se déroule dans un Japon moyenâgeux, me permet de changer d'univers. Loïc quant à lui, n'a pas eu sa dose de marche aujourd'hui. Il part faire un petit tour sur le sommet le plus proche pour admirer la vue (la photo précédente montre la "colline" sur laquelle il est allé. La suivante montre notre bivouac pris du sommet. Regardez bien la tâche orange ! Ceci montre bien je pense,  les repères complètement faussés en Islande).

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Sur son insistance, nous décidons de faire la prochaine étape de nuit. En effet, ce serait dommage de ne pas profiter du soleil de minuit. Je suis plus réticent car je pense que cela va nous chambouler dans nos rythmes biologiques. Mais bon, la décision est prise. Nous calons nos réveils sur 1h du matin...

Voici ce qui nous attend :DSCN2321

 

Voici ce que nous laissons derrière nous comme empreinte, il est 1h du matin  : DSCN2325

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